Une amie, qui est institutrice, m’a un jour raconté une histoire très instructive : Un matin, pendant la récréation, une de ses élèves d’à peu près cinq ans vient la voir dans la cour de l’école, et lui touche la robe pour attirer son attention : « Maitresse, maitresse ! » dit Laura. « Oui, qui a-til Laura ? » demande mon amie ? « Maitresse, maitresse, je suis très grande ! ». « Ah oui ?», s’étonne la maitresse, car Laura n’a que cinq ans et parait haute comme trois pommes. « Et tu es grande comment ? » demande la maitresse. Alors Laura, écartant au maximum ses deux bras comme si elle voulait embrasser le monde, répond avec assurance et joie : « Je suis grande comme ça ! »
Laura nous a livré là un riche enseignement je crois. Vue de l’extérieur, Laura parait être petite, mais vue de l’intérieur, de son propre point de vue à elle, elle se vit comme immense, large et ouverte. En supposant que notre moi est coincé à l’intérieur d’une enveloppe corporelle, nous nous sentons limités, à l’étroit, coincés dans le corps. Mais ce que Laura nous apprend, et ce que nous connaissions nous aussi parfois quand nous avions son âge, c’est que notre conscience est sans limite, vaste, et que le monde apparait en nous.
Faites cette expérience s’il vous plait. Mettez-vous debout, si possible dehors dans un jardin. L’idéal est de faire cette expérience face à une vaste étendue comme la mer, ou de regarder le ciel. Etendez vos bras devant vous pour former une sorte de tunnel. Pour l’instant vous ne voyez pas grand-chose entre vos deux bras. Vous voyez 5° du monde, pas plus. C’est ce que nous apercevons du monde lorsque nous sommes identifiés à notre corps, et à notre ego. Maintenant, écartez doucement vos bras. Vous embrassez de plus en plus d’espace. Vous passez de 10 ° à 45° de vision, puis de 45° à 90°, 100° et enfin vous avez ouverts les bras jusqu’à180°. Et que vous voyez entre vos deux bras ainsi ouverts ? Vous voyez une partie du monde, un jardin, la mer, le ciel qui s’engouffre en vous.
Au-dessus de nos épaules, nous ne voyons jamais une tête, mais le monde, qui apparait dans l’espace de notre vision, dans le champ de notre conscience ouverte. C’est ce que découvrent les enfants parfois. Et en fait, en grandissant soi-disant, nous sommes devenus plus petits, nous nous sommes enfermés dans un minuscule sac de peau à forme humaine !.
Cela me rappelle une phrase du poète chinois Wang Wei (701-761), adepte du bouddhisme zen qui écrivait : « Le vénérable moine est homme à l'extérieur, et ciel à l'intérieur. ». La sagesse des enfants rejoint souvent celle des plus grands mystiques.
Espacifions-nous.
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