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En Occident, l’idée que l’on a du Yoga se résume parfois à celle d’une gymnastique exotique « bien-être » qui se pratique en groupe durant des séances de 75’ en leggings colorés… C’est évidemment bien plus que cela. En ces temps de transition planétaire, il est judicieux de redécouvrir la profondeur, la richesse et les multiples voies qu’offre cette discipline multimillénaire.
Le mot « Yoga » est souvent traduit du sanskrit vers le français par le terme « Union », car l’objectif de cette discipline, issues de la philosophie indienne ãstika, est la réalisation de l’Union spirituelle afin de se libérer du cycle des renaissances (moksha).
Bien qu’en Occident, il y ait régulièrement créations de « nouveaux yogas » (SUP Yoga, Doga, Voga, Power Yoga, Acroyoga, etc.), ceux-ci se concentrent quasi exclusivement sur les asanas (postures) et pourraient donc tous être classés comme « Hatha Yoga » ; un terme qui peut se traduire par « Yoga de la Force » ou « de la Ténacité » (voir plus loin).
Cependant, les asanas et pratiques corporelles ne représentent qu’une partie d’une des 6 « branches » ou « voies » majeures de l’arbre du Yoga. Chacune ayant son histoire, sa philosophie et sa méthodologie propre – bien qu’il soit possible d’en pratiquer plusieurs simultanément.
Raja Yoga
Souvent présenté comme la « plus haute forme » de Yoga, ce « Yoga Royal » est étroitement lié à l’Aṣṭāṅga Yoga (Yoga à 8 membres), basé sur les légendaires « Yoga Sūtra » de Patañjali. C’est une voie précise qui vise à maîtriser l’intellect et les pensées par la méditation et la contemplation.
C’est l’union-fusion avec la « Pure Conscience » qui est recherchée ici par la désidentification avec le moi séparé illusoire, dévoilant ce qui a toujours été là : le Soi universel, impersonnel, partagé par tous.
En tant que pratique principalement intérieure avec peu d’expressions extérieures, il est dit que le « Raja Yoga » nécessite engagement et autodiscipline. Aux origines, ce type de pratique était destinée aux membres de la haute caste royale qui avaient l’éducation, le temps et les moyens de s’y consacrer.
Jnana Yoga
Mentionné pour la première fois vers 400 avant J-C, ce « Yoga de la Connaissance » est considéré comme l’un des chemins les plus directs vers la « connaissance de notre Être véritable », mais aussi l’un des plus difficiles.
C’est une forme de Yoga non-duel qui aurait été enseigné de manière mythique par Krishna dans la Bhagavad-Gītā (le « Chant du Bienheureux »). Sa méthode principale est l’investigation du Soi par le retour à la source de nos pensées, jusqu’à la pensée-racine « je », origine de la Māyā (nature illusoire du monde phénoménal). A l’origine, seuls les prêtres et les érudits étaient les plus susceptibles d’être considérés comme des « Jnana yogis », grâce à leur étude de textes philosophiques, de traités yogiques et à leur pratique d’investigation intérieure constante.
Tantra Yoga
Issu du terme « tan » qui signifie « étendre » ou « tisser », le « Tantra Yoga » explore tous les aspects, sensations et perceptions (physiques et énergétiques) qui se tissent à travers le corps et l’esprit. Une grande partie des pratiques est gardée secrète, avec des exercices et des rituels transmis de maître à disciple par la tradition orale. L’essentiel du « Tantra Yoga » se concentre sur les éléments les plus subtils du corps, de l’esprit et de la Vie. Les chakras, les nadis (canaux subtils), les yantras (supports graphiques de méditation), la kundalini (énergie lovée à la base de la colonne vertébrale) ou encore l’invocation de divinités font partie intégrante des pratiques classiques de Yoga tantrique.
A noter : on pense souvent que le « Yoga tantrique » est une pratique « sexuelle spiritualisée », ce n’est cependant pas le cas. Alors que ce Yoga comprend de nombreux rituels codifiés, celui consacré à l’acte sexuel n’est pratiqué que lors d’une cérémonie très rare réservée à certains initiés…
Hatha Yoga
Mentionné pour la première fois vers 1.100 après J-C, il s’agit de la branche la plus récente du Yoga. Bien que le terme soit souvent traduit par « Yoga de la Force », de nombreux enseignants assimilent la racine « Ha » à « Soleil » et « Tha » à « Lune », et pensent que la pratique du « Hatha Yoga » est destinée à équilibrer les énergies masculine et féminine afin de réaliser leur « Union » intérieure. La pratique de ce Yoga corporel est effectivement destinée à apporter un état d’équilibre au sein de l’organisme humain, en visant notamment la purification et l’alignement physique, mental et énergétique. C’est ce type de Yoga que nous sommes le plus susceptible de rencontrer, sous une forme ou une autre, dans la majorité des cours proposés en Occident. Parmi les pratiques courantes, on retrouve les asanas (postures), bandhas (contractions musculaires), pranayamas (exercices respiratoires), mudras (gestes codifiés), mantras (formules sacrées, invocations), concentrations et méditations.
Bhakti Yoga
Mentionné pour la première fois dans la Bhagavad-Gītā vers 300 avant J-C, ce « Yoga de la Dévotion » est basé sur la réalisation de Soi par l’amour, la dévotion et le développement des qualités du Coeur. Le « Bhakti Yoga » possède traditionnellement 9 pratiques : Shravana, l’écoute des écritures sacrées ; Kirtana, le chant dévotionnel ; Smarana, se souvenir du divin ; Pada-sevana, le « service aux pieds du Seigneur » ; Vandana, la prosternation ; Dasya, la dévotion servile ; Sakhya, l’amitié spirituelle ; Atma-nivedana, l’offrande de soi. Le « Bhakti Yoga » est probablement l’une des voies les plus suivies en Inde depuis des siècles.
Karma Yoga
Mentionné pour la première fois vers 300 avant J-C, ce « Yoga de l’Action » est basé sur le service, l’action désintéressée et la non-violence. Il occupe une place importante dans la philosophie indienne. L’Union intérieure est réalisée en faisant de toute action une offrande à Dieu, à la divinité d’élection ou au Soi universel. Le « Karma Yoga » suggère que nous abandonnions l’attachement aux conséquences de nos actes et que nous nous concentrions plutôt
sur le moment où l’action se déroule. Ainsi, la présence-conscience à chaque pensée, parole et action représentent une importante partie du « Karma Yoga ». En ce sens, c’est un peu le « mindfulness » des origines ! A travers cette pratique, les « karma yogis » agissent au profit des personnes qui les entourent afin de contribuer à l’émergence d’un monde unifié, pacifique et « illuminé ». Plusieurs sages contemporains soulignent le fait que c’est un Yoga particulièrement bien adapté à notre époque et aux conditions de vie du monde moderne. En fonction de nos conditionnements et caractéristiques propres, de nos circonstances de vie et préférences, l’on peut se sentir attiré par l’une ou l’autre de ces voies spirituelles. Rappelons-nous qu’elles ne sont pas réellement séparées, ce sont les branches du même arbre sacré. Ainsi, il n’est pas rare que les chercheurs de vérité suivent différentes pratiques issues de ces 6 voies. L’essentiel est de garder notre boussole intérieure orientée vers le but que l’on s’est fixé, achant
que l’objectif ultime de ces voies yoguiques est la réalisation du Soi, source de la Paix et du Bonheur auxquels tout le monde aspire consciemment ou inconsciemment.
RÉFÉRENCES :
« Les yogas pratiques. Karma, Bhakti, Râja » de Swâmi Vivekânanda chez Albin Michel
« Aux sources du yoga. Patanjali et le raja-yoga » d’A. Delaye chez Almora
« Yoga de la vie quotidienne. Karma-yoga » de J. Herbert chez Dervy.
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