La pandémie signe la fin de l'orgueil des hommes. Un appel à la modestie. Un coup de semonce. Une injonction forte de la Vie à revenir à la vraie Vie !
Manifeste pour l'après-coronavirus. Le paganus latin est à la fois le "paysan" et le "païen" ; il est l'homme de la Terre au sens autant quotidien que métaphysique.
Au sens quotidien, le "paysan" sait que sa (sur) vie dépend du monde bien plus que de son travail ; il n'est maître que de bien peu de choses ; il ne commande ni aux saisons, ni au vent, ni à la pluie, ni à la sècheresse, ni au mildiou, ni aux charançons, ni aux larves affamées ... Il sait que, face à tous ces impondérables, la petite chance qu'il peut prendre de vivre bien dépend de l'ardeur et de la qualité de sa besogne. Ses prières et colères n'y changeront rien !
Au sens métaphysique, Nietzsche le rappelle, l'humain moderne a résolu de vivre "hors sol", dans ses villes de verre et de béton, de fer et d'asphalte. Il a renié la Terre et ne vit plus que dans des mondes imaginaires et fantasmatiques. Il s'est créé longtemps des dieux étrangers au monde et à la Terre, des dieux indéfinissables, inaccessibles, silencieux et absents, dont le silence même lui faisait office de Sacré.
Ce (pseudo)humain-là, totalement dénaturé, n'a pas vu la triade essentielle qui fonde le Réel : la Matière, la Vie et l'Esprit.
La Matière qui se réalise au travers de tous les existants.
La Vie qui se vit au travers de tous les vivants. L'Esprit qui se pense au travers de tous les pensants.
Ce sont les trois moteurs du Réel. Il n'y en a aucun autre.
Rien ni personne n’existe au dehors du Réel car le Réel est le Tout de ce qui existe et de toutes les reliances au sein de ce Tout cohérent, unitif et évolutif.
Revenir à la Terre, ce n'est point l'idée que chacun doive redevenir paysan. Revenir à la Terre, c'est revenir au Réel, c'est abandonner toutes les utopies et rêveries, tous les fantasmes et tous les imaginaires, pour assumer, de tout cœur, la réalité du Réel telle qu'elle est et telle qu'elle va.
Revenir à la Terre, c'est sacraliser l'existence à la gloire de ces trois déités que sont la Matière (Hylê), la Vie (Zôon) et l'Esprit (Noûs), et qui ne forment qu'un seul et unique Divin (Logos), l'unique source de l'ordre (Kosmos) et de l'har- monie (Dikê) du Tout-Un (to Pan) ; un Divin unique, immanent, présent partout, en tout, toujours.
Revenir à la Terre est le plus court chemin pour revenir sur Terre et pour que l'humain y reprenne sa juste et petite place, au service de ce qui le dépasse, au service de l'accomplissement en plénitude de la Matière, de la Vie et de l'Esprit.
C'est lui qui est à leur service ; et non l'inverse.
C'est cela que la pandémie nous a appris : à quitter nos illusions d'être "hors-sol", hors- Réel" et "hors-mort". La mort même semblait avoir disparu. Certains, parfois très proches, mourraient, bien sûr ; mais ils mouraient loin, dans ces mouroirs isolés et étrangers que l'humain s'était construits. Et la pandémie, par le pic de mortalité qu'elle a engendré de février à avril 2020, a remis la mort au centre du jeu humain, là, sous nos yeux, nous forçant à revoir la mort en face et à la repenser. La mort n'a plus pu être escamotée.
Il faut que nous en rappelions. Il faut que nous nous rappelions notre état de mortel et la réalité vécue de la mort de chacun et de tous.
Il nous faut re-méditer la mort ...
Méditations philosophiques et spirituelles sur la vie et la mort ... Cicéron disait : "Philosopher, c'est apprendre à mourir". Oui, sans doute, mais craindre la mort, c'est déjà perdre un peu de vie ...
La vie est un mystère, la mort est une certitude. Malgré son mystère, la vie nous séduit ; malgré sa certitude, la mort nous effraie.
Naître, c'est commencer à mourir ...Vivre, c'est apprendre à mourir ... La vie est une maladie mortelle ... Il faut donc, dès qu'on peut, dès qu'on veut, faire son deuil de sa propre vie ...
Elisabeth Kübler-Ross fut une rescapée d'Auschwitz. Elle immigra aux Etats-Unis dès la fin de la guerre et y fonda l'accompagnement des malades incurables et les soins palliatifs. Elle disait que le processus du deuil à faire de sa propre vie passe par cinq stades.
Le déni : on n’accepte pas l'idée de sa propre mort et l'on s'invente, avec beaucoup de religions, une vie éternelle, ailleurs, dans l'au-delà. La culpabilisation : on n'accepte toujours pas sa propre mort et l'on rend Dieu responsable de ce scandale ; Dieu est cruel et sadique, et l'existence devient un combat contre Lui ...
La compensation : puisqu'il faut mourir, autant vivre à fond et compenser la mort à venir par du plaisir, du bonheur, de la fortune ou de la gloire ...
L'effondrement : la mort est inéluctable et scandaleuse, plus rien n'a de sens et toutes les compensations sont absurdes ; avec Camus, on pense que la seule question de fond est celle du suicide.
La sublimation : puisqu'il faut mourir et que la vie est brève, alors il faut apprendre d'urgence à faire de chaque instant une œuvre d'art. La "bonne vie" disent les philosophes grecs.
Outre le problème démographique que cela poserait, l'immortalité est un vieux rêve. Mais qui voudrait de l'immortalité ? Pour l'immortel, plus rien n'a de valeur car tout peut se répéter invariablement. L'immortalité : l'éternel mortel ennui ... Ce qui donne valeur aux êtres et aux choses, c'est précisément leur finitude.
L'opposé de la mort, ce n'est pas la vie ... L'opposé de la mort, c'est la naissance ! La Vie, elle, est éternelle et immortelle ...
Les mystiques parlent de la dialectique entre la vague et l'océan. La vague ne naît ni ne meurt ... elle émerge et retourne à la vie de l'océan. Chacun de nous est une vague à la surface de l'océan de la Vie éternelle. Entre naissance et mort, chacun manifeste la Vie à sa façon.
Quand on dit "je meurs" ou "je vais mourir", qui est ce "je" ?
Cet ego, ce "je", existent-ils vraiment ? Descartes écrivait : "Je pense donc je suis" ...
En réalité, ce "je" est pure illusion ; il faudrait écrire : "Il y a pensée, donc il y a existence". Il y a pensée à travers "moi", il y a existence à travers "moi", il y a Vie à travers "moi" ...
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